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L’art de la guerre dans Dune

Par Michel Goya

Le monde de Dune est un univers d’une grande richesse, mélangeant dans un ensemble baroque mais cohérent des morceaux de sociétés humaines passées et des éléments de pure imagination. Et quoiqu’elle s’y exerce de manière particulière, la guerre reste la guerre, avec sa grammaire propre.

 
Portrait de l’empereur Padishah Shaddam IV de la Maison Impériale de Corrino, réalisé par Nathan Anderson.

Portrait de l’empereur Padishah Shaddam IV de la Maison Impériale de Corrino, réalisé par Nathan Anderson.

 

De l’art de détruire une Grande Maison

Le système politique de Dune est issu d’une Grande Convention (de type Magna Carta) qui régit les rapports entre la Maison Impériale, les grands féodaux réunis dans l’assemblée du Landsraad et la Guilde des navigateurs, qui dispose du monopole du vol spatial.

Le conflit armé y est toléré, dans la mesure où il ne perturbe pas cet équilibre. Il s’y exerce avant tout entre Maisons familiales et parfois, dans certaines conditions, entre le Trône et une Maison. La Guilde est normalement neutre.

 
Illustration du sénat de l’assemblée du Landsraad réalisée par Moebius pour le film Dune d’Alejandro Jodorowsky. Les tribunes sont divisées en 4 parties : les sièges de la Maison Impériale, ceux de la Guilde des navigateurs, ceux de la Maison Atréides et ceux des maisons mineures.

Illustration du sénat de l’assemblée du Landsraad réalisée par Moebius pour le film Dune d’Alejandro Jodorowsky. Les tribunes sont divisées en 4 parties : les sièges de la Maison Impériale, ceux de la Guilde des navigateurs, ceux de la Maison Atréides et ceux des maisons mineures.

 

Ces guerres sont limitées par trois facteurs. Le premier est la fragmentation des pouvoirs dans le souci d’éviter qu’un acteur (la Maison Impériale de Corrino en premier lieu) devienne hégémonique. Toute Maison trop puissante voit ainsi se liguer les autres contre elle.

Le deuxième est celui des coûts, et particulièrement des coûts de transport. Les opérations s’effectuant généralement d’un monde à un autre, elles doivent passer par l’intermédiaire de la Guilde, et la projection spatiale coûte très cher.

Le dernier consiste en la présence des armes atomiques. Leur emploi contre les humains est prohibé par la Convention mais, contrairement aux machines pensantes, pas leur existence. On peut considérer (en admettant que les principes de la dissuasion nucléaire s’appliquent de la même façon aux familles qu’aux États-nations) que les « atomiques » conservent un intérêt en emploi second, peu probable, ou comme ultima ratio.

 
Carte “Famille Atomique” du jeu de société Dune sorti en 1978 et édité par les éditions Avalon Hill.

Carte “Famille Atomique” du jeu de société Dune sorti en 1978 et édité par les éditions Avalon Hill.

 
Cartes “Traîtrise” du jeu de société Dune sorti en 1978 et édité par les éditions Avalon Hill.

Cartes “Traîtrise” du jeu de société Dune sorti en 1978 et édité par les éditions Avalon Hill.

 

Les guerres prennent donc une forme large puisque tout ou presque peut être utilisé contre l’ennemi – sabotages économiques, corruption, pression diplomatique, raids, assassinats, etc. –, mais peu profonde du fait qu’elles ne peuvent aller jusqu’à l’annihilation de l’adversaire. Deux facteurs sont toutefois susceptibles de conduire à repousser ces limites voire à les dépasser : la haine, comme celle que se vouent les Atréides et les Harkonnen, et une menace sur la circulation de l’épice, élément indispensable au fonctionnement de la Guilde, et donc de l’Empire.

 
Illustration d’un cymek, hybride machine-homme, où la seule partie organique est le cerveau, réalisée par Siim Rimm.

Illustration d’un cymek, hybride machine-homme, où la seule partie organique est le cerveau, réalisée par Siim Rimm.

 
Illustration d’un heighliner, énorme vaisseau spatial et principal transporteur de frégates de la Guilde, réalisée par Tony Masters vers 1983.

Illustration d’un heighliner, énorme vaisseau spatial et principal transporteur de frégates de la Guilde, réalisée par Tony Masters vers 1983.

 

La recherche de la destruction totale d’une grande Maison comme celle des Atréides, sans l’emploi prioritaire des armes atomiques, est complexe. Une stratégie de première frappe conventionnelle contre les atomiques de l’ennemi est rendue difficile du fait de l’utilisation de gigantesques champs de force destinés à protéger les villes. La seule solution est de foudroyer l’adversaire par une offensive suffisamment rapide et massive, avant même que la décision de se servir de l’arme ultime puisse être prise.

C’était le scénario d’engagement dans la « marge d’erreur » de la dissuasion que décrivait le général Hackett en 1979 dans La Troisième Guerre mondiale. C’est évidemment le choix qui est fait par le Baron Vladimir Harkonnen. La difficulté est que le coût de la projection de soldats et l’efficacité des champs de force Holtzman (que l’on peut comparer aux murailles des châteaux forts) privilégient la défense sur l’attaque. Pour avoir un rapport de force écrasant, il faut amener un groupe de guerrier considérable (et donc coûteux), et si possible compter sur une « cinquième colonne ».

 
Couverture du livre La Troisième Guerre mondiale du général John Hackett.

Couverture du livre La Troisième Guerre mondiale du général John Hackett.

 
Costumes de Sardaukars réalisés par Moebius pour le film Dune d’Alejandro Jodorowsky.

Costumes de Sardaukars réalisés par Moebius pour le film Dune d’Alejandro Jodorowsky.

 

L’imparable cheval de Troie

La masse est obtenue en réunissant toutes les forces harkonnens, augmentées d’une ou deux légions de Sardaukars de l’Empereur, apport aussi qualitatif (un seul Sardaukar vaut plusieurs combattants « réguliers ») que quantitatif. Pour Vladimir Harkonnen, c’est une double prise de risque, militaire d’abord, car il se découvre par ailleurs, et financière, puisque l’expédition est ruineuse. Un échec pourrait être fatal à la Maison Harkonnen.

Le risque politique pèse, lui, sur l’Empereur Shaddam IV, que le Landsraad peut considérer comme ayant rompu les équilibres et contribué à détruire – qui plus est par trahison – une Grande Maison. La révélation de cette intervention est à même de déclencher une guerre générale contre la Maison Corrino. C’est pourquoi les Sardaukars, à la manière des « volontaires » de certaines époques, combattent sous la livrée des soldats harkonnens.

 
 
Illustrations de Thufir Hawat, le Mentat des Atréides (à gauche) et Wellington Yueh, le médecin de la famille Atréides (à droite), réalisées par Moebius pour le film Dune d’Alejandro Jodorowsky.

Illustrations de Thufir Hawat, le Mentat des Atréides (à gauche) et Wellington Yueh, le médecin de la famille Atréides (à droite), réalisées par Moebius pour le film Dune d’Alejandro Jodorowsky.

 

La quantité est une qualité en soi, et la masse utilisée pour l’opération, dix fois supérieure à celle estimée par le Mentat des Atréides, Thufir Hawat, entérine la surprise stratégique, d’autant qu’elle intervient avant que les Atréides aient pu se renforcer suffisamment grâce à l’alliance avec les Fremen.

Tout cela n’irait toutefois pas sans un traître : Yueh, le médecin de la famille Atréides, qui non seulement abaisse les champs de force Holtzman d’Arrakeen, mais neutralise également le Duc Leto.

C’est un cheval de Troie, cette fois opposé aux Atréides, qui permet à la fois d’ouvrir les portes à l’assiégeant et de capturer le chef adverse, le centre de gravité clausewitzien de ces acteurs politiques. Dans ces conditions, le plan des Harkonnen ne pouvait que réussir, mais comme tous les plans complexes, il ne pouvait réussir en totalité.

 
Illustration d’une moissonneuse de sable sur Arrakis, réalisée par Andrii Shafetov.

Illustration d’une moissonneuse de sable sur Arrakis, réalisée par Andrii Shafetov.

 

L’excellence individuelle au cœur du combat

Dans Dune, les combattants disposent apparemment de tout l’armement classique du space opera, les faisceaux laser et les champs de force en particulier, à cette subtilité près (qui change tout) que lorsque les deux se rencontrent, cela provoque une explosion d’intensité variable, mais capable d’atteindre celle d’une petite arme atomique.

Cela aurait pu donner naissance à des tactiques suicides intéressantes (et concordantes avec la conception de la vie humaine qui règne dans cet univers), notamment contre les grands boucliers protecteurs, mais Frank Herbert les exclut tacitement.

De fait, une des deux technologies, le laser, est peu utilisée, sauf lorsqu’il n’y a aucun risque de présence de boucliers dans le camp adverse, ce qui est le cas notamment dans le désert d’Arrakis. Notons au passage que cela aurait pu être l’inverse, ce qui aurait évidemment changé les conditions du combat, mais aussi l’ensemble de l’univers de Dune, tant le combat fait l’armée et l’armée fait l’État.

 
Illustration du baron Vladimir Harkonnen, ennemi juré de la maison Atréides, réalisée par Ivelin Trifonov.

Illustration du baron Vladimir Harkonnen, ennemi juré de la maison Atréides, réalisée par Ivelin Trifonov.

 
Illustration de l’effet Holtzman, un champ de force protecteur, réalisée par Newatlas.

Illustration de l’effet Holtzman, un champ de force protecteur, réalisée par Newatlas.

 

Le champ de force Holtzman ressemble aux armures des chevaliers par la quasi-invulnérabilité qu’il procure à ses porteurs, avec toutefois deux différences notables : il est infiniment plus maniable qu’une armure, et surtout il est apparemment peu coûteux, ce qui rend son emploi courant. Sa seule faiblesse est de pouvoir être percé par des objets lents, d’où la crainte d’une pénétration à l’arme blanche. La haute technologie impose donc paradoxalement de revenir à des formes ancestrales d’affrontement.

Herbert exclut les tactiques collectives de type phalange, qui devraient pourtant être possibles, au profit d’un combat purement homérique, fait d’une collection d’affrontements individuels ou en petites équipes (peu développées par l’auteur, alors qu’on voit tout de suite l’intérêt qu’il pourrait y avoir à s’attaquer à deux à un porteur de bouclier).

 
Scène de combat au corps-à-corps entre Kyle MacLachlan (Paul Atréides, à gauche) et Sting (Feyd-Rautha, à droite) dans le film Dune réalisé par David Lynch.

Scène de combat au corps-à-corps entre Kyle MacLachlan (Paul Atréides, à gauche) et Sting (Feyd-Rautha, à droite) dans le film Dune réalisé par David Lynch.

 

Le combat dans Dune oblige à l’excellence individuelle obtenue par un mélange de vertus guerrières – le courage et l’agressivité en premier lieu – et de maîtrise de l’escrime. L’acquisition de cette excellence demande du temps et impose une professionnalisation de fait, ainsi que la constitution d’une aristocratie guerrière.

Cette aristocratie développe par conséquent une culture spécifique qui lui assure le monopole de la violence, ce qui explique peut-être en retour le refus de toute tactique de masse mais la rend également vulnérable à l’apparition de cette même masse sur le champ de bataille.

 
Scène de combat impliquant des Sardaukars contre un ornithoptère, réalisée par Yaroslav Golubev.

Scène de combat impliquant des Sardaukars contre un ornithoptère, réalisée par Yaroslav Golubev.

 
Illustration d’un campement de Fremen sur Arrakis, réalisée par Pete Amachree.

Illustration d’un campement de Fremen sur Arrakis, réalisée par Pete Amachree.

 

Les Fremen, un cas particulier dans l’univers militaire de Dune

Dans l’Illiade, il y a les héros, qui ont un nom, et les guerriers anonymes qui servent de faire-valoir aux premiers. Dune possède son lot de héros escrimeurs – Duncan Idaho, Gurney Halleck, le comte Fenring – et les soldats ordinaires, qui sont leur « chair à épée ». Duncan Idaho peut se vanter d’en avoir tué plus de trois cents pour le compte du Duc Leto. Mais les héros sont rares, et, s’ils sont flamboyants, ils ne font guère la différence au sein de batailles qui sont des agrégations de milliers de microcombats.

 
Illustration d’un combattant Sardaukar, réalisée par Haco.

Illustration d’un combattant Sardaukar, réalisée par Haco.

 

Frank Herbert introduit donc une catégorie intermédiaire qui associe le nombre et la qualité : les combattants d’élite, comme les Sardaukars, les Fremen et certains Atréides. Les Fremen ont les plus fortes qualités guerrières, les Atréides sont d’excellents techniciens, et les Sardaukars associent les deux caractéristiques dans des proportions moindres. Chacun de ces hommes est capable de vaincre plusieurs soldats ordinaires et leur présence décide du sort des batailles.

C’est tout l’intérêt de l’engagement des Sardaukars (10 à 20 % des effectifs seulement) dans la force d’attaque déployée par Vladimir Harkonnen contre les Atréides, avec cette crainte toutefois que ces quelques brigades puissent être utilisées par l’Empereur pour le balayer lui-même.

 
Scène d’inspection des troupes de Sardaukars par le baron Harkonnen sur Arrakis, réalisée par Pete Amachree.

Scène d’inspection des troupes de Sardaukars par le baron Harkonnen sur Arrakis, réalisée par Pete Amachree.

 

Les Fremen constituent un cas particulier dans l’univers militaire de Dune puisqu’ils sont à la fois parfaitement adaptés à leur milieu, très durs au combat et nombreux. Ils introduisent ainsi la masse à une échelle inconnue dans l’équation.

L’attaque harkonnen a mobilisé dix légions, soit cent brigades, donc au total quelques centaines de milliers d’hommes, là où le Mentat Thufir Hawat s’attendait à un raid d’au maximum quelques dizaines de milliers, ce qui semble constituer la norme des batailles (des chiffres qui paraissent par ailleurs assez faibles dès lors qu’il s’agit de contrôler une planète entière…).

 
Illustration de deux Fremen surplombant le désert d’Arrakis, réalisée par Bryce Homick.

Illustration de deux Fremen surplombant le désert d’Arrakis, réalisée par Bryce Homick.

 

Pour mettre en perspective, avec une population de culture guerrière de dix millions de Fremen, on atteint un potentiel de deux à trois millions de combattants masculins adultes et autant de combattants secondaires. Cela change évidemment la donne, comme l’arrivée des piquiers suisses dans la deuxième moitié du XVe siècle ou la levée en masse révolutionnaire de 1792 ont changé le visage de la guerre telle qu’elle était menée jusqu’alors en Europe avec de petites armées professionnelles. On peut penser aussi aux contingents professionnels occidentaux face aux dix millions de Pashtounes en âge de porter les armes en Afghanistan ou au Pakistan.

 
Illustration d’un groupe de Fremen dans le désert d’Arrakis, réalisée par Simon Goinard.

Illustration d’un groupe de Fremen dans le désert d’Arrakis, réalisée par Simon Goinard.

 
Illustration d’un Fremen, réalisée par Alcoholic Hamster.

Illustration d’un Fremen, réalisée par Alcoholic Hamster.

 

L’attitude et l’allégeance des Fremen constituent donc une donnée essentielle de la géopolitique de l’Empire. Au passage, Frank Herbert insiste beaucoup sur l’importance des milieux extrêmes comme le désert d’Arrakis ou l’oppression de la planète prison Salusa Secundus pour développer des qualités guerrières. Il pense certainement aux Bédouins arabes du VIIe siècle qui constituent son modèle pour les Fremen.

Cette théorie est très discutable, les milieux extrêmes sécrétant surtout des sociétés adaptées mais figées voire piégées. Les Inuits ou les Indiens d’Amazonie n’ont par exemple jamais constitué d’armées de conquérants. En creux, cette théorie suppose aussi que les sociétés riches et agréables sont amollissantes et que leurs armées sont faibles. L’Histoire, et notamment la Seconde Guerre mondiale, a montré que les choses sont nettement plus complexes.

 
Illustration d’un Fremen dans le désert d’Arrakis, réalisée par Simon Goinard.

Illustration d’un Fremen dans le désert d’Arrakis, réalisée par Simon Goinard.

 

Djihad contre volonté d’extermination

Hormis les cas, très rares, d’extermination de l’ennemi, une victoire militaire ne devient victoire politique que s’il y a acceptation de la défaite par celui qui a perdu le duel des armes. Dans le schéma trinitaire clausewitzien, c’est le pouvoir politique qui constate la défaite et accepte la paix, le peuple ne pouvant que suivre les décisions de son gouvernement.

Si l’action militaire ne se contente pas de vaincre l’armée adverse mais a également pour effet de détruire le pouvoir politique, on se prive d’un interlocuteur et on prend le risque d’en voir apparaître un ou plusieurs autres qui vont continuer la guerre d’une autre manière.

Les Américains ne sont pas les Harkonnen (la Maison Impériale peut-être) et Paul-Muad’Dib n’est ni Oussama ben Laden, le mollah Omar ou Saddam Hussein, mais la situation sur Arrakis en 10191 après la prise d’Arrakeen présente quelques similitudes avec celle de l’Afghanistan en 2001 et surtout de l’Irak en 2003.

 
Illustration d’un repère Fremen réalisée par Alcoholic Hamster.

Illustration d’un repère Fremen réalisée par Alcoholic Hamster.

 
Scène d’attaque harkonnen contre les Fremen, réalisée par Carlos NCT.

Scène d’attaque harkonnen contre les Fremen, réalisée par Carlos NCT.

 

La Guerre des Assassins ne se termine donc pas avec la mort du Duc Leto, elle se transforme. Les survivants atréides se joignent à la guérilla endémique des Fremen contre les Harkonnen, qu’ils détestent, pour constituer une forme très efficace de « combat couplé » entre une puissance extérieure et des combattants locaux.

Les Fremen apportent le nombre, leurs qualités de combattants et leur parfaite adaptation au milieu désertique ; les Atréides apportent les atomiques de leur famille, une « assistance militaire technique », et surtout un leader charismatique, mélange de Lawrence d’Arabie, de prophète Mahomet et de Mahdi soudanais. Ce n’est plus une réaction d’anticorps à une présence étrangère hostile mais un véritable djihad.

 
Illustration d’un groupe Fremen réalisée par Amir Zand.

Illustration d’un groupe Fremen réalisée par Amir Zand.

 

Face à cette opposition qui se développe progressivement, se pose systématiquement le problème du diagnostic initial, avec presque toujours la tentation de le minimiser et de le modeler en fonction de ses besoins. Pour le gouvernement français de 1954, les attentats de la Toussaint rouge en Algérie sont le fait de bandits, et pour le commandement américain de 2003, les attaques de guérilla qui apparaissent dans le triangle sunnite irakien en mai et juin sont les derniers feux du régime déchu et de son leader en fuite.

Cette appréciation initiale conditionne une réponse dont il est difficile par la suite de s’affranchir. S’écartant de la politique traditionnelle de pure exploitation (dans tous les sens du terme) économique de la planète Arrakis, et peu gênés par des considérations humanitaires qui n’existent, au mieux, que dans le cadre des signataires de la Grande Convention, les Harkonnen et les Impériaux qui reprennent le contrôle d’Arrakis voient les Fremen comme une nuisance qu’il faut éliminer par l’extermination.

 
Illustration du baron Vladimir Harkonnen, ennemi juré de la maison Atréides, réalisée par LiXin Yin.

Illustration du baron Vladimir Harkonnen, ennemi juré de la maison Atréides, réalisée par LiXin Yin.

 

Le stade final de la guerre populaire

Tactiquement, on se trouve là encore dans le cas classique d’une force de technologie supérieure face à une guérilla protégée par son adaptation à un milieu particulier et protecteur (jungle, montagne, population locale des rizières ou des cités de l’Euphrate).

Les Fremen ne bénéficient pas en revanche de la protection de boucliers Holtzman, qui ont la particularité d’énerver les vers des sables. La tentation est alors forte pour les Harkonnen de limiter les risques en utilisant la maîtrise de l’air pour traquer l’ennemi au laser.

 
Dessin d’infrastructures appartement à la famille Atréides, réalisé par Eugene Napadovsky.

Dessin d’infrastructures appartement à la famille Atréides, réalisé par Eugene Napadovsky.

 
Couverture de Dune la genèse : la bataille de Corrin, aux éditions Pocket.

Couverture de Dune la genèse : la bataille de Corrin, aux éditions Pocket.

 

À cette stratégie d’attrition, par ailleurs peu efficace, les Fremen coordonnés par Paul Atréides répondent par une stratégie de pression économique en empêchant l’ennemi d’exploiter l’épice.

Les Sardaukars quittent le front et les Harkonnen refusent de faire l’effort de former des combattants adaptés au désert d’autant plus que, selon un schéma classique dans les dictatures, la réalité de la situation sur le terrain est masquée au sommet de l’organisation.

Au bout de quelques années, la stratégie de jeu de go de Paul Atréides permet de contrôler la majeure partie de la planète et de provoquer une accélération des événements.

La menace, enfin évidente, sur la production d’épice provoque à la fois la formation d’une coalition des Maisons menée par l’Empereur, et donc la possibilité d’un affrontement décisif d’un niveau intergalactique, mais aussi, plus subtilement, le contrôle de la Guilde des navigateurs totalement dépendante de l’épice.

On atteint ainsi le stade final de la guerre populaire telle que la décrivait Mao Tsé-toung.

 
Illustration d’un déplacement de Fremen sur des vers des sables, réalisée par Jad Saber.

Illustration d’un déplacement de Fremen sur des vers des sables, réalisée par Jad Saber.

 

La bataille finale contre l’Empereur en 10193 est l’équivalent de Diên Biên Phu. Le problème tactique majeur qui se pose dès lors est celui de l’élimination du bouclier de défense de l’Empereur. Le mode d’action utilisé est une grande tempête de sable, dont on sait que l’électricité statique va saturer le champ de force. Il faut pour cela détruire auparavant les montagnes qui empêchent son passage, et c’est là que les atomiques interviennent.

Le tabou atomique est donc brisé, il est vrai de manière indirecte par un emploi sur un obstacle naturel, pour permettre la pénétration dans le camp adverse. Avec la supériorité numérique des Fremen et l’emploi surprise des vers des sables, la suite du combat ne fait plus alors aucun doute. Étrangement, le combat se termine par un duel homérique, risque considérable tant la personne de Muad’Dib est importante et qui ne se justifie pas stratégiquement.

 
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